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Analyse : Barjow et Beurk, au cœur de la construction romanesque.

C’est un fait bien connu des lecteurs d’Harry Potter : Rowling est parvenue à intégrer dans son écriture un système cyclique qui incite à relire une fois, pour découvrir un nouvel aspect, puis encore une autre, et encore une autre… Et c’est ainsi que certains rédacteurs de la Gazette ont dépassé la quarantaine de relectures.

Notre mission dans cet article, et nous l’avons acceptée, sera d’expliquer comment Rowling enfouit différents niveaux de lecture dans ses textes, et donc de lever une partie du mystère de ses livres. Focus sur Barjow et Beurk pour analyser la maîtrise rowlingienne du récit.

En avril 2017, un rédacteur de Mugglenet portait à l’attention du fandom la scène de Barjow et Beurk de la Chambre des Secrets, avec un lot de théories qui y étaient associées. Nous avons sauté sur l’occasion pour nous aussi relire de très près cette scène, pour reprendre et compléter les théories en question.

Nous avons retenu trois grandes théories qui nous semblent indissociables de cet extrait : la construction en miroir (1), l’annonce du dénouement des tomes pairs (2) (Chambre des secrets, Coupe de feu, Prince de sang-mêlé), et un aperçu du destin de Drago (3) dans le tome 6.

1) Un exemple type de la construction en miroir.

La préfiguration de grands éléments de développement du tome 6.

La construction en miroir est une théorie exposée il y a désormais quelques années, et assez largement reconnue dans la communauté des fans. Son principe : la mise en place de rappels, d’échos et de passerelles entre les tomes 1 et 7, 3 et 5, 2 et 6 avec le tome 4 comme axe de symétrie.
La scène de Barjow et Beurk tient une place assez importante dans le cadre général de cette théorie, puisqu’on y retrouve beaucoup d’éléments qui font le lien entre le 2 et le 6, ainsi que nous l’avons déjà abordé précédemment.
Il s’agit évidemment d’objets : main de la gloire, armoire à disparaître, collier d’opales… mais au-delà de ça, on apprend que Jedusor a travaillé chez Barjow et Beurk : Harry ressent donc un profond malaise dans un lieu familier de son ennemi, en ouverture du 2, avant que le tome 6 ne se referme sur la destruction de Poudlard comme espace protégé. D’autres symétries sont plus spécifiques au rapport Drago/Harry.

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Les trajectoires opposées de Harry et Drago.

Dans cette scène, Harry se cache pour échapper au regard de Drago. Dans le 6, ce sera au tour de Drago de chercher à être discret. Drago découvre presque la cachette de Harry dans le 2 ; idem pour Harry dans le 6.
Sur le plan situationnel, la mise en parallèle des deux tomes met en lumière une victoire de Drago : Harry cherche chez Barjow et Beurk à éviter de se retrouver face à Malefoy « égaré, couvert de suie et les lunettes cassées »; Dans le 6, il arrive à Poudlard couvert de sang, les lunettes cassées et en habits moldus par la faute de Malefoy.

Un système de rappels qui lie Barjow et Beurk, d’une part, et la boutique de Fred et George explorée dans le Prince de sang-mêlé d’autre part.

Nous relayons pour cette partie-ci une thèse de hpboy13 de Mugglenet. En noir, à gauche et à droite : les objets trouvés dans les deux boutiques et qui se font écho. Au milieu, en rouge, le rapport qui les oppose, parfois assez peu évident.

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2) L’annonce du dénouement des tomes pairs

Intéressons-nous maintenant à un autre aspect de la scène de Barjow et Beurk, qui échappe à la stricte construction en miroir, et ouvre la saga à un système d’échos et de renvois à plus vaste échelle.

Une fois arrivé dans la boutique, Harry remarque – de lui-même – :
« une main desséchée posée sur un coussin » (1) ; « un jeu de cartes tâchées de sang » (2), « un gros œil de verre » (3) ; « des masques sinistres accrochés aux murs [qui] semblaient jeter des regards sournois » (4) ; « un assortiment d’ossements humains » (5) ; « toutes sortes d’instruments pointus et rouillés pendaient du plafond » (6).

À ces six premiers objets peut s’ajouter l’armoire à disparaître (7), dans laquelle il trouve refuge aux yeux de Malefoy. D’autres objets sont mentionnés dans cette scène, mais ne sont pas relevés par Harry. C’est Malefoy qui les aperçoit. Nous les relierons pour cette raison à une autre interprétation.

Chacun de ces sept objets couvre une dimension symbolique présente dans les dénouements des tomes 2, 4 et 6, ainsi que le synthétise notre infographie.

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  1. La main desséchée posée sur un coussin renvoie, dans le tome 2, à la blessure d’Harry mordu par le basilic ; dans le 4, à la main que Queudver sacrifie pour voir renaître son maître ; dans le 6, à la malédiction de la bague de Gaunt, qui frappe Dumbledore.
  2. Le jeu de cartes tâchées de sang renvoie, dans le tome 2, au journal de Tom Jedusor bouillonnant d’encre une fois détruit ; dans le tome 4, au sang de Harry, versé pour la résurrection de Voldemort ; dans le tome 6, au tirage de tarot de Trelawney, « la Tour frappée par la foudre. »
  3. Le gros œil de verre renvoie à l’œil du basilic, à celui du faux-Maugrey, mais aussi à Madame Rosemerta qui espionne pour Drago.
  4. Les masques sinistres aux regards sournois sont symboles de duplicité, de dévoilement d’une identité secrète. Ils renvoient, dans les tomes 2, 4 et 6, à l’identité de Voldemort, à celle des Mangemorts, ainsi qu’au mystère de Severus Rogue.
  5. Les ossements humains, pour leur part, symbolisent la gradation dans le profane qu’incarne la trajectoire de Voldemort. Assassin dans le 2, cherchant à voler la vie de Ginny, profanateur de tombe dans le tome 4 où il se saisit des os de son père, il manipule la mort de manière plus massive encore dans le tome 6, avec son armée d’Inferi.
  6. Les objets pointus et rouillés qui pendent du plafond se prêtent à des interprétations plus ouvertes. Pour marquer la continuité entre les tomes 2, 4, 6, j’insisterais sur l’aspect tranchant, qui mobilise l’épée de Gryffondor, le couteau de Pettigrow et celui de Dumbledore, qui versent trois fois le sang : celui de la bête, le basilic ; celui de l’homme corrompu et de la victime innocente ; celui enfin du roi.
  7. Dernier élément de cette structuration en échos, l’armoire à disparaître. Elle incarne, dès la disparition de Montague, un déplacement inexpliqué, peu lisible, inattendu et dont le fonctionnement est tenu secret. On retrouve à la fin des tomes 2, 4 et 6 un système d’ouverture sélective du huis-clos Poudlard : vers ses secrets, dans le tome 2, où les toilettes de Mimi Geignarde font office de passage secret ; vers l’extérieur, dans le tome 4, où le trophée transformé en portoloin apporte Harry à Voldemort et annonce le début de la guerre sorcière ; dans le tome 6, la dynamique est inversée : c’est cette fois-ci une ouverture vers Poudlard qui se crée, depuis Barjow et Beurk et à travers la Salle sur Demande : c’est la fin de la protection liée à Poudlard.

3) Un aperçu du destin de Drago?

Entré à son tour dans la boutique de Barjow, Drago porte également son regard sur six objets : « l’œil de verre », « une étagère remplie de crânes humains », « la main de la gloire », « un rouleau de corde de pendu », « le collier d’opales », « l’armoire à disparaître ».

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Cette interprétation pose des problèmes. On peut sans mal rattacher la malédiction de Dumbledore à la tâche que doit remplir Drago, au sens ou Dumbledore, déjà condamné, est moins dur, tant sur le plan logistique que moral, à exécuter. Cependant, il est plus ardu de faire le lien entre la mort d’Amelia Bones et le destin de Drago. Et d’autre part, on peut s’étonner de la fin précipitée et presque anecdotique donnée à l’histoire d’Amelia Bones, alors même que toute la construction du tome 5 semble la destiner à jouer un rôle de premier plan.

On peut donc supposer que J.K a changé d’avis en cours de route, ou que des impératifs éditoriaux l’ont forcée à mettre de côté cette partie de l’histoire.

Une question demeure, cependant : quel lien entre le meurtre d’Amelia Bones et Drago ? On ne sait pas avec certitude qui l’a tuée : Fudge émet l’hypothèse qu’il s’agit de Voldemort… il est possible que Voldemort, après l’avoir maîtrisée, ait mis à l’épreuve Drago en le forçant à l’exécuter…

Conclusion

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À ceux qui auraient toujours senti que quelque chose de grand se tramait derrière la vitrine poussiéreuse de Barjow et Beurk : vous aviez raison !! À ceux qui en douteraient encore : nous vous invitons à relire la Chambre des secrets, et à fouiller dans la scène de Barjow et Beurk. Nous n’avons fait ici que souligner les principaux indices enfouis par Rowling dans cet extrait, libre à vous d’en trouver plus !

Sources :

Mugglenet 12 ; The Leaky Cauldron

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