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TEDx de Melissa Anelli ; de l’importance de s’emballer, ou comment j’ai volé du papier toilette à J.K. Rowling

En février dernier, Melissa Anelli, webmaster du site de fans The Leaky Cauldron, et PDG de Mischief Management (qui organise entre autre la LeakyCon) a été invitée à présenter une conférence TEDx, à Broadway.
Les conférences TED (« Technology, Entertainement, Design« ) invitent des experts à parler du sujet de leur choix pendant une dizaine de minutes, dans le but de « diffuser des idées qui en valent la peine ». Les TEDx reprennent le principe des TED, mais sont organisés indépendamment par des communautés locales.

Melissa Anelli a donc choisi de parler de l’importance de se laisser emporter par ses passions et ses envies, en retraçant son parcours, et en racontant comment elle s’est retrouvée à voler du papier toilette à J.K. Rowling.

Nous avons traduit intégralement son intervention, à retrouver ci-dessous.

De l’importance de s’emballer

Donc, pour commencer, je vais vous demander un peu d’aide.
Je voudrais que vous pensiez à un moment où vous vous êtes emballé ; pas un moment où vous auriez perdu votre sang-froid, où vous vous seriez énervés, mais plutôt un moment où vous avez complètement perdu la capacité de rester calme, et vous avez fait quelque chose que vous seriez plutôt embarrassé de devoir expliquer si vous étiez à ma place actuellement, debout devant tout le monde.
Super, donc maintenant, je vais pouvoir vous parler de la fois où j’ai volé du papier toilette à J.K. Rowling.
C’était il y a environ 10 ans, j’étais chez elle – légalement, je ne suis pas entrée dans sa maison par effraction – j’étais là pour l’interviewer pour un livre que j’écrivais, mais avant de vous raconter le reste de cette histoire, je dois vous raconter toutes les choses qui ont fait que cela a failli ne jamais arriver.

Je suis allée à la fac pour devenir médecin. Mais pendant la première semaine de cours, je me suis retrouvée dans la salle du journal du campus pendant un parcours d’intégration, et ils ont commencé à me parler de théâtre ; et je suis sortie de là critique de théâtre. J’ai eu mon diplôme, j’étais censée faire ce boulot épuisant, mon premier job après la fac, et au lieu de ça, je passais mes nuits à travailler très dur sur un site de fans dédié à Harry Potter.
Si ça ne vous a pas sauté pas aux yeux après ce que Jim [le présentateur] a dit, et ce que je viens de vous raconter, je suis une très grande fan d’Harry Potter. Vive Gryffondor ! Et quand je dis fan, je ne veux pas dire du genre à avoir lu les livres 20 fois. Mais fan au point d’avoir lancé et travaillé sur un des plus gros sites de l’univers dédié à Harry Potter, créé un des premiers podcasts – pas un des premiers podcasts sur Harry Potter, un des premiers podcasts en ligne tout court, qui s’est avéré être un podcast sur Harry Potter. Et, un peu plus en rapport avec ce que j’ai commencé à vous raconter, je me suis retrouvée à écrire un livre sur le phénomène Harry Potter ; “Harry: A History”.

Mais quand j’ai commencé, au début des années 2000, gérer un site internet ne constituait pas une carrière ; être un fan non plus. Ce n’était pas pour cela que je le faisais évidemment, je le faisais parce que quelque chose dans l’histoire de Harry Potter et plus encore, dans la communauté naissante autour de l’œuvre, m’avait touchée profondément.
J’essayais aussi d’être une journaliste très professionnelle – c’est ce que j’avais choisi d’étudier après la médecine – je voulais être très pro, et donc j’ai commencé à appliquer des principes journalistiques au traitement de l’actualité potterienne. J’avais découvert ce site appelé The Leaky Cauldron, qui traitait Harry Potter comme un sujet d’actualité pointu, qu’un reporter voudrait couvrir, ce qui ne se faisait pas à l’époque comme c’est le cas maintenant.
Donc on a commencé à citer nos sources ; à vérifier les rumeurs ; à participer à notre fandom. Et petit à petit, nous avons commencé à gagner en crédibilité au sein de la communauté Harry Potter. On a commencé à nous faire confiance si on disait « non non, c’est une rumeur, ignorez-la », si une info à propos du casting faisait surface on disait « oui, c’est vrai, c’est une info fiable »…
On gagnait en crédibilité au sein du fandom, puis nous avons heurté un mur. Et ce mur, c’était celui des professionnels.
Tous ceux que j’essayais de contacter, au sein de la galaxie Harry Potter, au début, avaient deux types de réactions à notre égard ; il y avait ceux qui choisissaient de nous ignorer complètement, et d’autres qui avaient une attitude plus sombre ; un mélange de pitié, de condescendance, de mépris. Nous étions traités (et on me l’a formulé ainsi à plusieurs reprises) comme des personnes un peu pitoyables qui n’avaient rien d’autre dans leur vie ; on pouvait nous prendre de haut, simplement parce que nous consacrions tout notre temps libre à quelque chose qui nous passionnait, qui nous rendait heureux-ses.

Mais j’étais jeune et déterminée, je me suis dit « et puis merde », et j’ai continué, je me suis accrochée. On a décroché quelques interviews avec des acteurs qui jouaient des rôles très secondaires ; j’ai obtenu un contact aux studios de tournage qui se montrait parfois condescendant mais qui [nous] comprenait et confirmait une rumeur de temps à autre. Petit à petit, on a été invité aux conférences de presse et sur les plateaux de tournage, des choses auxquelles aujourd’hui les sites de fans ont accès, mais à cette époque, c’était complètement inédit.
Et tout ça a mené à ce jour en 2007, où je me suis retrouvée chez J.K. Rowling.
En fait, ce n’était pas la première fois que je me trouvais chez elle, je m’y étais déjà rendue pour une autre interview, mais je n’étais pas rentrée dans la maison – cette première interview était à l’occasion de la sortie du tome 6, cette fois-ci, c’était pour mon propre livre.
C’était une interview de huit heures, étalée sur deux jours, le genre d’opportunité que tous les journalistes du monde entier réclament, j’avais vingt-huit ans et j’avais cette opportunité, je m’étais promis que je serais très professionnelle, et que je prouverais au monde entier que les fans savent se contenir.
Vous savez déjà ce qui vient après…

J’étais dans sa salle de bain, et mon cerveau de fan était en train d’exploser, je veux dire, elle venait de me servir un café, j’avais parlé à ses enfants… Tout ce qui était grisant depuis les débuts de Harry Potter est remonté en moi, et mes pulsions de fan se sont heurtés à ce vœu que j’avais fait de ne pas m’emballer. Je me suis souvenue d’une blague d’un de mes amis, qui avait dit que « le papier toilette de J.K. Rowling doit être génial », et je me suis précipitée, j’ai arrachée quelques feuilles de papier toilette et les ai fourrées dans mon carnet.
D’une certaine manière, ça m’a permis de relâcher la pression. Je suis sortie de la salle de bain, on a passé un très bon moment, l’interview s’est bien déroulée, le livre a bien marché, tout le tralala.
Faire cela a vraiment eu un effet « soupape de décompression » sur moi, et depuis ce moment, avec la carrière que j’ai eu, je me suis demandée pourquoi nous étions si terrifiés de nous emballer, quelle importance ça avait vraiment.
Je ne dis pas que vous devriez agir de manière complètement excessive où que vous alliez. Il y a des circonstances où il est vital de ne pas s’emballer ; entretiens d’embauche, premiers rendez-vous, boss final d’un jeu-vidéo ; tout ça, ce sont des moments où il est très important de garder la tête froide.
Mais je pense sincèrement que les moments où vous ne le pouvez pas, peu importe vos efforts, où cette excessivité, cette impétuosité jaillit hors de vous quoi qu’il arrive, peuvent être très instructifs, et vous mener vers quelque chose d’intéressant.

Je sais aussi ça parce que je travaille avec les communautés de fans. Ces quinze dernières années, j’ai travaillé au sein de fandoms d’une façon ou d’une autre.
Actuellement, je dirige cette merveilleuse entreprise, Mischief Management, qui créé des évènements pour les fans partout dans le monde. On travaille avec plus de 50 000 fans par an, ce nombre augmente chaque année, et la passion qui les anime va au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer.
Vous ne rejoignez pas un fandom par accident. Vous ne rejoignez pas un fandom sans vous emballer. Vous ne rejoignez pas un fandom en regardant tranquillement une série Netflix, vous rejoignez un fandom parce que vous avez regardé cinq saisons et vous êtes quand même allé travailler ensuite. Vous ne rejoignez pas un fandom parce que vous avez lentement feuilleté Harry Potter, mais parce que vous avez lu les sept tomes, dont deux en marchant sur les quais du métro, et vous êtes chanceux d’être encore en vie. C’est comme ça que vous rejoignez une communauté de fans.
Et ces fans ont découvert des exécutoires pour cela, vivent ce que j’appelle maintenant des « moments papier toilette » ; lancer leur blog, créer un gif, écrire un pavé sur Facebook à propos de Black Panther… tout ça sont en quelque sorte des moments papier-toilette.
Je peux vous assurer qu’après quinze années passées à rencontrer tous ces fans à nos évènements, il nous répètent toujours, encore et encore, à quel point laisser cette pression se relâcher les a menés vers un nouveau projet ; leur a permis de trouver le courage d’exprimer leurs idées ; leur a permis de nouer de nouvelles amitiés… toutes sortes de choses qu’ils n’auraient jamais fait s’ils n’avaient pas fait cette chose qu’ils n’avaient pas pu s’empêcher de faire ; en d’autres mots, s’ils ne s’étaient pas laissés emballer.

Je ne dis pas que rien ne peut arriver autrement. Un fandom n’est pas la seule manière de s’emballer. Quand vous vous mettez à danser dans votre bureau parce que vous avez eu une bonne nouvelle ; quand vous vous apprêtez à embrasser quelqu’un pour la première fois ; et, si l’on se fie à Twitter, on a l’impression que les gens vivent des moments papier toilette tous les jours, tout particulièrement au niveau de la sphère politique. Les gens se portent candidats à des élections alors qu’ils n’auraient jamais imaginé en être capable, mais ils ne peuvent pas s’en empêcher lorsqu’ils voient ce qu’il se passe dans le monde…
Je sais avec certitude que ces adolescents incroyables en Floride, qui ont lancé un mouvement pour le contrôle des armes après la tragédie qu’ils ont subi, ne le font pas parce qu’ils ont pensé que ce serait cool. Ils le font parce qu’ils ne supportent pas l’écart qui existe entre la tragédie qu’ils ont vécu et les idées qui les animent à cause de ces évènements.

La personne la plus célèbre pour son incapacité à ne pas s’emballer est J.K. Rowling. Elle a souvent parlé de l’époque où, lorsqu’elle poussait son landau à Édimbourg, sans véritable travail afin de pouvoir consacrer du temps à la rédaction de son livre, à quel point cela lui semblait stupide, à quel point elle faisait potentiellement du tort à sa fille. Et, si elle avait échoué, je parie qu’elle serait aussi embarrassée d’en parler que moi en racontant la fois où j’ai volé son papier toilette. Mais elle n’a pas échoué. Et je ne dis pas qu’il n’y a jamais d’inconvénients. Vous pouvez avoir honte, vous pouvez vous sentir rejetés, vous pouvez échouer. Mais comme vous le dirait J.K. Rowling, il n’y a aucune honte à échouer. La honte, c’est de ne pas essayer, et la façon la plus rapide de ne pas essayer est d’écouter la petite voix qui vous dit « t’emballe pas ».

Aujourd’hui, dix ans après m’être retrouvée dans la salle de bain d’une milliardaire, je peux vous dire très sincèrement que le fait de me laisser emballer a largement porté ses fruits. Je suis devenue une auteur reconnue. J’ai pu intervenir auprès d’étudiants de tous le pays à propos de l’importance de se laisser guider par ses passions. J’ai créé cette entreprise incroyable, composée en majorité de femmes, qui travaillent pour faire en sorte qu’un fandom reste bien le royaume des fans.
Je serais médecin aujourd’hui si je n’avais pas fait tout ça, et je ne sais pas à quoi cette vie ressemblerait, mais celle que j’ai me semble bien meilleure.
Et quand je regarde le parcours qui m’a mené jusque là, il est parsemé de petits moments qui n’auraient jamais eu lieu si je ne m’étais pas laissée emballer. Si je n’étais jamais rentrée dans le bureau du journal, ou si je n’étais pas restée debout toute la nuit à travailler sur ce site Harry Potter.
Je ne sais pas si tous les moments papier toilette vous mèneront à une révélation incroyable ; un mouvement ; une carrière ; une relation. Peut-être que ça ne sera qu’une super après-midi passée à regarder Netflix, ou à faire une nouvelle rencontre.
Mais je sais que si vous ne faites jamais attention à ces moments, ces pulsions, vous fermez la porte à des centaines d’opportunités qui pourraient vous apporter de la joie, de la passion, et peut-être un véritable but.

Donc je suis là, devant vous, à vous dire que le meilleur moyen de réussir et de vous épanouir, est d’embrasser cette partie de vous-même, peut-être un peu kleptomane en matière de produits hygiéniques. Et si jamais J.K. Rowling regarde ça… je crois qu’elle comprendra.
Merci.

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