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Magie et technologie volume 1: Le « Progrès » magique en question

Cet article est le premier d’un triptyque consacré au sorciers et à la technologie. Vous pouvez la poursuivre en vous dirigeant vers le volume 2, qui étudie l’évolution des pratiques magiques des sorciers et sorcières. Vous pouvez également directement vous rendre au volume 3, dédié à l’analyse de la fascination d’Arthur Weasley.

La magie est-elle toujours primaire, évidente, ou peut-elle être au cœur d’un œuvre de confection?
Pourquoi les sorciers choisiraient-ils d’avoir recours à un objet magique plutôt qu’à leur propre magie?
La technologie moldue est-elle si différente? Comment expliquer la charmante fascination d’Arthur Weasley?

Si ces questions vous font cogiter, la Gazette vous propose quelques pistes de réponses, pour éclairer un peu ce domaine peu exploré de la magie qu’est la technologie, et pour ouvrir le débat.


À bien y réfléchir, l’univers d’Harry Potter présente une certaine opacité dans la confrontation entre magie et technologie. Tout ne va pas de soi.
Car si la fascination d’Arthur pour les objets moldus pourrait nous mener à penser que la technologie est le propre du no-maj,sa manière d’apprivoiser le monde par opposition à l’aisance des sorciers liée à la magie, cette affirmation ne tient pas du tout la route dès qu’on pense à l’industrie Weasley, ou au soin que mettent les fabricants de baguettes et de balais à protéger leurs secrets de fabrication de la concurrence.

Il y a, pour les métiers artisanaux sorciers, un apprentissage nécessaire. Une phase de transmission d’un savoir préservé et protégé, en somme d’une technologie. La magie n’est pas uniquement évidence et immédiateté, elle peut être travaillée, endurée, et faire l’objet d’une production scientifique contrôlée et optimisée.
L’objet du présent article est de saisir la notion de progrès et celle d’objet complexe, travaillé, pour distinguer au sein du monde de la facilité et de la magie la place qui peut être celle des entreprises technologiques et industrielles (hors industrie de la patacitrouille… et encore!)

A] L’innovation magique : brevet ou patrimoine universel? À qui revient de droit la « belle magie »?

  Innovation scientifique et percée industrielle.

Première étape de notre enquête : prenons deux inventeurs, Bowman Wright et Damoclès Belby, et observons les trajectoires respectives de leurs inventions.
Bowman Wright, ensorceleur de métaux, forge le premier vif d’or au XIVe siècle. Six siècles plus tard, les vifs d’or sont encore au cœur d’un véritable secret technologique, bien gardé. Aucun des professeurs de Poudlard ne peut en créer. Par ailleurs, cet objet magique complexe, ainsi que l’ensemble des balles de Quidditch, font l’objet d’une protection qui rend leur compréhension et leur détournement difficile.
Et c’est heureux! Vous vous imaginez un match de Quidditch avec un vif d’or trafiqué qui adopterait l’attitude d’un cognard fou et harcèlerait l’un des attrapeurs? Way too easy!

Dobby, pour avoir trafiqué un cognard, et Dumbledore pour avoir découvert les secrets du vif d’or, doivent ainsi être perçus comme des exceptions, les hackers du monde sorcier. Ils assimilent puis modifient les données de l’objet industriel.
Dans ce premier cas, donc, l’exploitation de l’avancée technologique magique est réservée, strictement encadrée, et son appréhension par un public profane est marginale.

Si nous nous intéressons maintenant au deuxième inventeur, Damoclès Belby, nous pouvons constater que la dynamique est inversée. Certes, l’invention de la potion Tue-Loup permit à Belby de s’enrichir, de gagner en notoriété et en prestige (Ordre de Merlin, rien que ça!), et le nom de sa famille irradie encore deux générations plus tard, lorsque Marcus intègre le club de Slug sans aucun mérite propre. Mais son invention est passée dans le domaine public, et chacun est libre de l’utiliser à titre privé.
Aussi Severus Rogue est-il dans son bon droit lorsqu’il prépare la potion pour Lupin dans le tome 3. Le procédé de composition extrêmement complexe, et la part de marché réduite ciblée par les effets de la potion ont cependant freiné sa diffusion massive. Sans doute quelques préparateurs en vendent-ils, mais la découverte semble n’être connue que de quelques experts (Rogue, Slughorn), et des personnes directement concernées par la lycanthropie et souhaitant en effacer les effets (Lupin.)
Nous sommes bien éloignés, dans ce cas particulier, des cas des technologies des balais, des baguettes, des friandises ou encore des farces et attrapes magiques, qui font rêver tout un chacun et miroiter un joli profit aux entrepreneurs sorciers.

  Rivalités industrielles, stratégies commerciales différenciées et hiérarchisation.

Il convient, dans leur rapport à leurs produits et à leurs secrets, de distinguer deux types d’entreprises, d’une part artisanales et d’autre part industrielles.
Les artisans, en premier lieu, font figures d’héritiers d’une tradition, de gardiens d’un secret partagé, de dépositaires privilégiés d’un savoir particulier. La fascination commune d’Ollivander et de Gregorovitch pour les reliques de leur art, et en particulier la légendaire baguette de sureau, en témoigne. Grégorovitch parvient à s’en emparer, et l’étudie dans la confidentialité de son arrière-boutique, à l’insu de ses rivaux artisans.
Dans le cas d’Ollivander, la dimension traditionnelle de son savoir pratique de la magie est renforcée par une continuité familiale impressionnante: « fabricants de baguettes depuis -382. »
Le respect des techniques et particularités propres à chaque artisan, autant que celui de son marché, semblent permettre un règlement harmonieux et une tolérance mutuelle entre artisans magiciens, tous jugements de valeur mis à part.
«Mmmmm…, murmura Mr Ollivander. À moins que je ne me trompe, il s’agit d’une création de Gregorovitch ? Un excellent fabricant de baguettes, bien que son style ne soit jamais vraiment ce que je… enfin… (HP4)»

La chose est radicalement différente dans le cas des exploitations industrielles, et des productions massives d’un même objet. Ouvrons nos Prisonnier d’Azkaban, au chapitre 4:

«— Ça vient de sortir, c’est un prototype, dit quelqu’un à côté de Harry.
— C’est vrai que c’est le balai le plus rapide du monde, Papa ? demanda un jeune garçon accroché au bras de son père.

L’ÉCLAIR DE FEU
Avec sa ligne aérodynamique et son manche en bois de frêne recouvert d’un vernis garanti inattaquable, ce balai de course représente le dernier cri en matière de technologie. Chaque modèle porte sur le manche un numéro de fabrication gravé à la main qui garantit sa qualité. Les branches de bouleau soigneusement sélectionnées ont été taillées une par une pour obtenir le meilleur coefficient de pénétration dans l’air, donnant à l’Éclair de Feu un équilibre et une précision insurpassables. Avec des accélérations de 0 à 240 km/h en dix secondes et un sortilège de Freinage à toute épreuve, l’Éclair de Feu offre les meilleures performances et les meilleures conditions de sécurité actuellement disponibles sur le marché. Prix sur demande.»

On retrouve, dans cet extrait, des caractéristiques de l’exploitation industrielle de la technologie communes aux mondes sorcier et moldu : l’impératif d’être à la pointe de l’innovation, en avance sur ses concurrents; une garantie sur la qualité du produit ; la mise en avant de performances extraordinaires…, tout ceci suscitant la fascination, jouant avec l’imaginaire des sorciers. En somme, comme dans l’industrie moldue, il s’agit de développer des prototypes toujours plus puissants, d’offrir une performance toujours plus élevée, loin de la qualité stable et inchangée des productions artisanales. L’innovation fait la réussite, et le défaut d’innovation condamne. Pensée émue aux Flèches d’Argent, nos Moulinex du monde sorcier : un temps à la pointe… et puis complètement à la ramasse.
Si quelques marques semblent disposer de secteurs de recherche réactifs, et produisent beaucoup de modèles compétitifs (Brossdur, Comète, évidemment Nimbus), les autres fabricants de balais doivent adopter des stratégies alternatives, produisant des produits bas de gamme plus accessibles, à l’instar de l’Etoile Filante, ou adoptant une image de marque plus originale, à l’image de la Bombe bleue, «un balai pour toute la famille — sûr, stable, fiable, avec sirène antivol intégrée…»

En somme, dans le monde sorcier comme dans le nôtre, qui dit technologie dit stratégie commerciale dit marketing. Bienvenue à la Coupe du Monde de Quidditch, installez-vous bien confortablement, et faites votre marché! Vous trouverez ici tout ce dont vous avez besoin.

«Les Dragées surprises de Bertie Crochue — prenez le risque à chaque bouchée !»

Et ce dont vous n’avez pas besoin? Ce que vous pourriez faire vous-mêmes? Allons, laissez-vous faire, on vous dit qu’on va vous faciliter la tâche!

«Faites votre ménage sans peine grâce au Nettoie-Tout magique de la Mère Grattesec : les taches parties, plus de soucis !…» (HP4)

Option 1: Si vous ne tenez pas en place et voulez directement obtenir une réponse à la question qui n’a pas manqué de vous sauter à l’esprit : « Mais pourquoi un sorcier ou une sorcière qui connait Tergeo, Recurvite etc, irait-il acheter du Nettoie-Tout magique? », lisez le volume 2 de notre enquête: Les sorciers et le recours à l’objet technologique.

Option 2: Si un petit développement supplémentaire sur les normes internationales en matière de technologie et les protections contre les innovations bancales vous intéresse, la troisième partie du A] est faite pour vous, prenez le temps de la lire avant la suite!

  Réguler et contrôler la production industrielle : normes, brevets, et géopolitique des objets technologiques. Des fonds de chaudron à Ali Bashir.

La profusion et la diversité des productions industrielles rend nécessaires la mise en place et la vérification du bon respect de certaines normes qualitatives pour les produits. C’est sur ce casse-tête que Percy fait ses preuves en début de carrière au Ministère:

«Nous essayons d’établir des normes standards pour l’épaisseur des fonds de chaudron. Certains matériels d’importation sont un peu trop fins. On a enregistré un taux d’augmentation de trois pour cent des fuites en un an.»

L’importance croissante de la technologie magique a donc induit une mutation des élites dirigeantes, vers la promotion d’un corps de techniciens compétents pour distinguer bons et mauvais produits.
Au monde de bureaucrates est donc étroitement lié un corps d’experts législateurs. Les plus éminents sorciers du Ministère de la Magie combinent souvent les deux aspects (pensons ici à Barty Croupton Senior.)

On retrouve cette notion de norme, cette fois-ci à l’échelle des producteurs de marchandises, dans le tome six. Pendant L’escapade de Draco:, on découvre ainsi que les « Rêves Éveillés » sont des « sortilèges brevetés« .

Il existe donc, quelque part au Ministère, une commission ou un bureau de brevetage des inventions, qu’il faut s’imaginer comme une pièce remplie d’objets farfelus où des sorciers se livrent à toutes sortes d’essais pour vérifier la conformité et la sécurité d’un produit. Au regard du temps qu’il a fallu au très compétent professeur Flitwick pour s’assurer que l’Eclair de Feu qu’offre Sirius à Harry dans le tome 3 n’était pas ensorcelé, on peut se figurer qu’il s’agit là d’un processus long et complexe.

  Géopolitique et marché noir: Ali Bashir.

Deux frontières séparent objets autorisés et prohibés: la rupture monde sorcier/société moldue, mais aussi les écarts entre les différentes sociétés sorcières. Un passage du tome 4 est particulièrement éclairant sur ces enjeux :

«– Ah, je voulais aussi vous parler de quelque chose, Arthur, dit Mr Croupton, son regard perçant se tournant vers Mr Weasley. Ali Bashir est sur le sentier de la guerre. Il veut vous dire deux mots au sujet de l’embargo sur les tapis volants.
Mr Weasley poussa un profond soupir.
– Je lui ai envoyé un hibou à ce propos il y a à peine une semaine. Je le lui ai répété cent fois : les tapis sont définis comme un artefact moldu par le Bureau d’enregistrement des objets à ensorcellement prohibé. Mais est-il disposé à m’écouter ?
– J’en doute, répondit Mr Croupton en prenant la tasse de thé que lui tendait Percy. Il tient désespérément à exporter ses produits chez nous.
– Ils ne remplaceront jamais les balais en Grande-Bretagne, n’est-ce pas ? intervint Verpey.
– Ali pense qu’il y a un segment de marché pour un véhicule familial, dit Mr Croupton. Je me souviens que mon grand-père avait un Axminster qui pouvait transporter douze personnes — mais c’était avant que les tapis volants soient interdits, bien sûr.»

Pour le Ministère, cette gestion conflictuelle des marchés constitue un problème épineux, et une porte ouverte sur le marché noir. Le même Ali Bashir, d’ailleurs, joue sur les deux tableaux:

«Vous avez sans doute appris qu’Ali Bashir a tenté d’introduire en fraude dans le pays une cargaison de tapis volants ?»

La magie, loin d’être uniquement évidence, surrection spontanée de pouvoir, peut également prendre la forme d’une accumulation contrôlée de hasards, d’une confection minutieuse, à la manière d’un tissu brodé avec beaucoup de soin, au sein duquel l’entrecroisement des fils définirait un motif complexe et puissant. Il y a donc une certaine opacité à la magie, au moins autour de ses manifestations technologiques.

Cet écart rend possible le déversement au sein de la société sorcière -plus ou moins contrôlé par le ministère de la Magie- de toute une gamme de produits destinés à combler les besoins et désirs des magiciens, à leur faciliter la vie, en somme, exactement comme dans la société moldue.

Cet article est le premier d’un triptyque consacré aux sorciers et à la technologie. Vous pouvez la poursuivre en vous dirigeant vers le volume 2, qui étudie l’évolution des pratiques magiques des sorciers et sorcières. Vous pouvez également directement vous rendre au volume 3, dédié à l’analyse de la fascination d’Arthur Weasley.

Mots-clésOpinion/Analyse
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