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J.K. Rowling et J.R.R. Tolkien : similitudes et différences – Part.1 : le personnage principal

Sur de nombreux sites, en particuliers ceux consacrés à la culture geek ou la fantasy, il est courant de trouver un article comparant la saga de J.K. Rowling et le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien (rarement son œuvre en général). Parfois cette comparaison se veut être comme un match visant à trouver une série supérieure, d’autres fois il s’agit d’un article au deuxième degré affirmant que Rowling a tout piqué à Tolkien. Certains enfin se contentent de lister les éléments communs aux deux univers (que ce soit un grand méchant qui se fait appeler Seigneur des Ténèbres, des araignées géantes ou simplement qu’il y ait des elfes et des gobelins dans les deux séries).

Certains éléments communs entre Rowling et Tolkien se retrouvent bien évidemment dans de nombreuses autres œuvres. Néanmoins, étant donné l’importance qu’ont ces deux sagas pour les fans du genre heroic-fantasy, il nous semble nécessaire d’établir les parallèles, des comparaisons, sans vouloir définir une supériorité de l’un par rapport à l’autre. Vouloir les comparer pour en mettre un au dessus de l’autre est aussi pertinent que d’établir une relation de supériorité entre les glaces au chocolat et les glaces à la fraise. Cela étant dit, intéressons-nous aux éléments les plus importants des deux sagas, en tâchant d’en définir les limites, ainsi que les différences qu’il peut y avoir.

Le but de ce dossier sera d’être le plus exhaustif possible, et surtout de mettre en évidence des similitudes et divergences qui ne sont que peu ou prou abordées dans ce genre d’articles. En effet, comme le montre la bibliographie, cet essai est loin d’être le premier à s’amuser à comparer les deux œuvres littéraires. Il a également l’ambition d’apporter des éléments et des similitudes rarement mises en avant dans les autres articles du genre.

Précisons avant de commencer que je me baserai uniquement sur les livres, et non les adaptations cinématographiques, qui apportent pour les deux sagas leur lot d’interprétations différentes des livres (surtout les films sur le Seigneur des Anneaux).

Mais assez de digressions, commençons par le commencement. Ce dossier comportera 5 parties (si tout se passe bien) dont voici un bref sommaire :

  •  partie 1 : le héros principal
  •  partie 2 : l’antagoniste principal
  •  partie 3 : les adjuvants du héros
  •  partie 4 : le cas Dumbledore/Gandalf
  •  partie 5 : les thèmes abordés

1. Le héros

Avant toute chose je tiens à préciser que pour cette analyse je vais considérer que Frodo est le héros du Seigneur des Anneaux, ce qui peut paraît évident pour certains, mais il faut savoir que ce sujet peut faire débat, plusieurs protagonistes pouvant se partager le titre de héros du livre (Aragorn ou Sam pour ne citer qu’eux).

Illustration par Slyis

Comme affirmé plus tôt, je vais tenter de ne pas enfoncer des portes ouvertes, sur un sujet qui a été abordé maintes fois. Je ne vais donc pas revenir sur le fait que Frodo, comme Harry, pourrait être qualifié d’anti-héros, dans le sens où ni l’un ni l’autre ne sont des montagnes de muscles ou de cerveau, et n’ont pas vraiment d’aptitude extraordinaires (enfin, dans une moindre mesure pour Harry, qui est quand même avantagé sur plusieurs points). L’un et l’autre se feront des amis fidèles qui feront une partie du boulot à leur place (ce qui est moins péjoratif que certains pourraient penser, car cela prouve l’importance d’être entouré, et qu’on ne peut pas sauver le monde tout seul). L’un et l’autre doivent fuir des hordes de méchants à leur recherche et s’infiltrer dans un territoire ennemi pour remplir une mission secrète orchestrée par un vieux barbu. Enfin, ce sont l’un et l’autre des pleurnicheurs qui se lamentent sur leur sort.

Maintenant que j’ai survolé les arguments les plus souvent employés pour prouver que Rowling a tout piqué à Tolkien (que ce soit ironiquement ou sérieusement), nous allons pouvoir réfléchir plus posément, surtout en ce qui concerne la question de fond. Car bien entendu Harry et Frodo sont très ressemblants, mais ces points communs sont plus implicites et symboliques que l’on pourrait penser de prime abord.

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Tout d’abord oui effectivement les deux héros démarrent avec peu : Harry est orphelin et vit dans un placard sous un escalier. Frodo est un jeune hobbit qui ne possède pas grand chose sinon la maison et l’héritage que lui a laissé son oncle Bilbo (ce qui n’est pas grand chose).
La situation va certes vite changer, surtout pour le sorcier à lunettes : fortune considérable, talent au Quidditch, etc. Il est amusant de noter que pour Frodo, la situation change, mais pour le pire : dès lors qu’il commence à partir pour ce qui était censé être un voyage sans trop d’encombres jusqu’à la ville, les choses ne font qu’empirer (la seule exception étant la halte à Fondcombe).

Au delà des similitudes scénaristiques sur lesquelles nous ne reviendrons pas, là où ils se mettent en résonance, c’est surtout au niveau de leur caractère, leur comportement vis-à-vis des autres, et de l’expérience qu’ils ont vécu. Un des plus évident est leur sens du sacrifice, et surtout que jamais ils ne voudront que quelqu’un aille risquer sa vie à sa place. Ils sont tous deux investis d’une mission périlleuse, où ils sont quasiment sûrs d’y laisser leur peau. Pourtant, ils refusent que quelqu’un d’autre le fasse à leur place, non pas parce qu’ils pensent être le mieux placé pour y arriver (loin de là), mais parce qu’ils jugent inacceptable qu’un autre puisse mourir alors qu’ils auraient pu le sauver.

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En allant plus loin, on note un point commun très symbolique ; dans une saga comme dans l’autre, le héros est récompensé d’un acte de miséricorde envers un être qui ne le méritait pas. Par deux fois Harry a sauvé la vie d’un ennemi : il a empêché Peter d’être tué par un Sirius et un Remus vengeurs ; il a sauvé Drago alors que ce dernier lui a pourri la vie (cependant c’est moins flagrant dans ce cas ci car Drago avait quand même hésité à le dénoncer quand Harry a été fait prisonnier dans son manoir, et le héros a bien vu que le jeune Malefoy n’est pas fondamentalement mauvais). En conséquence, lors de leur capture au manoir Malefoy, Queudver se suicide alors qu’il aurait pu les arrêter, leur permettant de s’enfuir. Mais surtout, en épargnant Drago, Harry a fait en sorte (involontairement) que Narcissa ne le dénonce pas à Voldemort, qui n’aurait eu qu’un geste à faire pour que tout soit fini.

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Frodo quant à lui a épargné Gollum, malgré les supplications de Sam, malgré les nombreux signes que Gollum était un être maléfique et allait tôt ou tard le trahir, réitérant le geste de Bilbo des années plus tôt.
Quand on découvre par la suite que la seule et unique façon de jeter l’Anneau et de le détruire c’est de pousser quelqu’un dans le vide, on comprend alors l’importance du geste de Frodo et Bilbo. Ainsi, un acte de miséricorde peut certes se retourner contre nous, mais finira tôt ou tard par porter ses fruits.

Ensuite il est intéressant de noter que les deux héros meurent symboliquement (à la fin ou peu avant le dénouement), et qui plus est se retrouvent dans un endroit libre de toute souffrance, assimilable au paradis ou aux limbes. Si Frodo part pour Valinor à la fin de la série (c’est à dire un endroit où se retrouveront tous ses amis et où il sera heureux et n’aura plus mal à cause de l’Anneau), c’est une sorte de conclusion, le point final. Tout comme notre histoire personnelle s’achève à notre mort, celle de la trilogie s’arrête quand les bateaux partent (pour savoir la suite il faut lire les appendices et notes de l’auteur).
Du côté de Harry, il meurt plus ou moins pour de vrai lors de sa confrontation avec Voldemort dans la forêt interdite à la fin du tome VII. Sa mort a ici pour but de le faire “renaître” après la destruction de l’horcruxe en lui, elle sert un but scénaristique qui vise la résolution de l’intrigue, mais aussi d’émouvoir le lecteur qui peut croire en la mort du héros et de la victoire du méchant. Sans compter toute la symbolique de la scène (dans la forêt, être transporté par Hagrid au retour, etc.), qui amplifie l’idée d’un cycle de la vie et donc de la mort du héros.

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Plus profond encore, ces deux éléments renvoient à un caractère religieux des deux héros (il ne faut pas oublier que Rowling et Tolkien sont croyants et chrétiens, c’est important !). Ils sont morts pour les autres, par le sacrifice de leur personne. Du côté de Rowling, le parallèle avec le Christ est très explicite : Harry est mort pour que les autres puissent vivre, puis est revenu de l’Au-delà.
Pour Tolkien c’est davantage le fait que Frodo ait porté les malheurs du monde (l’Anneau, les blessures du Roi-Sorcier et d’Arachne) puis ait accédé à la félicité éternelle qui est mis en avant. Frodo est symboliquement mort en emportant avec lui le malheur, et n’est pas revenu.

Si nous poursuivons notre analogie avec le Christ, nous pouvons affirmer que l’un et l’autre, à un ou plusieurs moments du récit, doutent de leur mission et sont sur le point de renoncer. Pour Harry, c’est beaucoup plus flagrant dans le tome VII, mais déjà les deux tomes précédents montrent plusieurs épreuves qu’il a eu à surmonter pour forger sa résolution. Nous pouvons nous souvenir par exemple de la longue scène de discussion entre Dumbledore et Harry suite à la mort de Sirius Black. Plusieurs fois Harry s’est demandé s’il était à la hauteur.

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Quant à Frodo, c’est d’autant plus important que non seulement il doute tout au long de la série, mais en plus il échoue à remplir sa mission : face au gouffre de la Montagne du Destin, le pouvoir de la corruption et du Mal est trop grand. Même un être aussi désintéressé et bon que Frodo succombe et décide d’utiliser la puissance à des fins personnelles.
Après avoir douté de pouvoir y arriver pendant toute l’aventure, force est de constater qu’il avait raison. Mais c’est l’arrivée providentielle de Gollum, toujours vivant grâce à la miséricorde du héros, qui met un terme à la mission. Frodo se sauve ainsi malgré lui, et est indirectement responsable de la destruction de l’Anneau et de la mort du Mal.

Illustration du cours de Lupin sur le sortilège de Patronus, par Mary GrandPré

Maintenant que nous avons longuement disserté sur leurs ressemblances, attardons-nous un peu sur leurs principales différences, autre que le fait qu’Harry porte des lunettes, et Frodo a des grands pieds. Un premier point sur lequel il serait intéressant de revenir est leurs capacités physiques. En effet, malgré ses caractéristiques d’anti-héros, Harry reste quand même ce qu’on pourrait qualifier un héros de guerre. Sans être aussi doué en magie qu’Hermione, ou avoir les compétences d’un Dumbledore ou Rogue à son âge, Harry reste un sorcier relativement talentueux.
Ce serait de mauvaise foi de dire qu’il ne doit son succès qu’à la chance ou des amis plus doués (comme l’affirme Voldemort) : le Patronus est sa spécialité (rappelons que c’est un sort difficile à exécuter), les nombreuses confrontations qu’il a à mener dans les livres montrent ses compétences en duel. Il a une véritable progression au fur et à mesure de l’aventure (qui s’étale quand même sur 7 ans, ce qui paraît normal).

Frodo, lui à l’inverse ne sera jamais représenté comme un combattant, son épée ne lui sert même pas à se battre durant l’aventure. À aucun moment il ne s’engage dans des combats, mêmes singuliers, ce qui est compréhensible au vu de sa faiblesse physique par rapport à tous les adversaires qu’il rencontrera durant l’histoire.

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Ainsi, si le personnage de Harry valorise le courage et l’action (en bon Gryffondor), celui de Frodo met plus l’accent sur l’humilité et la discrétion. Ce n’est pas parce que l’on est petit que l’on ne peut rien accomplir ou que nous ne servons à rien pendant une guerre. De même les héros ne sont pas tous des combattants, et une guerre n’est pas nécessairement gagnée à coups de batailles et de combats.
Le message délivré est ainsi un peu différent dans les deux œuvres : les deux valorisent le courage et la combativité face à un conflit, néanmoins par son héros Tolkien met à l’honneur les “petites gens”, les faibles si l’on pourrait dire.

Nous pouvons aussi rapidement débattre sur leur rapport avec l’antagoniste principal (sur lesquels nous reviendrons dans la deuxième partie). Frodo et Sauron ne se rencontrent jamais, et même n’ont aucune conscience de l’identité de l’autre (comme développé dans la prochaine partie, Sauron représente davantage un Mal omniprésent mais impalpable). Il n’existe pas vraiment de lien entre les deux : c’est le hasard qui fait que Frodo entre en possession de l’Anneau et se retrouve investi de sa quête. Mais malgré tout, ils sont reliés par l’Anneau, qui établit une connexion entre les deux quand Frodo le passe au doigt. La confrontation entre eux est indirecte, et le Mal ne sera pas vaincu par un combat titanesque ou un sort qui se retourne contre lui.

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Pour ce qui est du lien entre Harry et Voldemort, il n’est pas utile de revenir dessus. À l’exception du tome III et du VI dans une moindre mesure, il y a affrontement direct entre les deux protagonistes à chaque tome. Je ne reviendrai pas non plus sur cette histoire d’horcruxes… Ces personnages sont même reliés par une prophétie, que faut-il de plus !

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Le rapport avec son ennemi est donc différent pour les deux héros, là aussi en résonance avec leurs capacités physiques : Harry mûrit physiquement et mentalement au cours des livres, et doit à chaque fois affronter une version plus déterminée et puissante de Voldemort. Frodo serait incapable de survivre à un affrontement direct avec Sauron, pour peu que ce dernier daigne sortir de sa forteresse…
Comme affirmé plus tôt, la trilogie du Seigneur des Anneaux met plus l’accent sur une menace permanente et invisible (ce qui se retrouvera dans le dernier tome de la saga Harry Potter). Les deux séries n’ont ainsi pas la même optique quant au rapport avec le Mal incarné : là où elle est personnelle dans Harry Potter, elle se veut plus omniprésente chez Tolkien, d’où le fait de ne pas établir de lien entre le héros et le grand méchant (ce qui aurait été un peu compliqué, il faut l’avouer…).

En conclusion, plus que leurs ressemblances au niveau scénaristique, et parce qu’ils représentent l’archétype parfait du héros malgré lui investi d’une grande mission, Harry et Frodo sont des porte-étendard des valeurs chrétiennes. Ils font preuve tout au long du récit des mêmes caractéristiques que l’on retrouve chez le Christ : la miséricorde, le sens du sacrifice, l’amour de son prochain, le pardon.
Tous les deux ont une expérience de l’Au-delà, tout deux ont douté de leur mission et tenté de laisser tomber. Nous l’avons déjà dit, mais en sachant que les deux auteurs sont croyants, il est difficile de ne pas voir qu’il ont doté leur personnage principal des valeurs et attribut de leur religion.

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Leurs différences notables sont leur rapport avec l’antagoniste, ainsi que la façon dont ils appréhendent leur mission et les dangers. Ainsi, si les héros à tendance christique sont assez répandus dans les fictions, peu peuvent prétendre l’être autant que Harry et Frodo. Rappelons pour conclure que le croyant mort, leurs amis se sont soulevés et se sont battus pour leur mémoire, ce qui n’est pas sans évoquer encore une fois une figure religieuse.

La seconde partie de ce dossier, consacrée aux antagonistes, est à retrouver ICI !

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