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Critique de « Harry Potter à l’école de la philosophie », de Marianne Chaillan

Harry Potter à l’école de la philosophie est un essai philosophique écrit par Marianne Chaillan (professeur à l’université d’Aix-Marseille) et édité aux éditions Ellipses (collection Culture Pop) en 2013. Ce livre, d’un peu moins de 200 pages, a pour but didactique d’intéresser ses lecteurs à la philosophie en leur montrant que la saga du jeune sorcier fourmille d’exemples de thèses philosophiques, J.K. Rowling ayant une formation en langue classique et insérant des références à de nombreux auteurs.

Une structure en deux temps

Le livre se divise en deux grandes parties : dans un premier temps, il s’attache à relever les thèmes philosophiques DANS Harry Potter (du stoïcisme à l’existentialisme de Sartre, en passant par la vision nietzschéenne du bien et du mal et d’autres grands sujets philosophiques). Secondairement, il cherche à mettre en évidence la philosophie DE Harry Potter (i.e. la philosophie propre à la série et à son auteur). Bien qu’inégalement réparties (la première partie fait à peu près les trois quarts de l’ouvrage) elles sont toutes deux solidement argumentées et intéressantes.

Pour les plus intéressés d’entre vous, voici un bref résumé de toutes les thèses et courants abordés en première partie :

  • les enseignements de l’école platonicienne (qui occupe bien 40 pages, Rowling reprenant et discutant beaucoup de leurs concepts)
  • ceux de l’école stoïcienne (notamment à travers la figure des détraqueurs, où il faut savoir se remémorer les moments heureux quand tout va mal)
  • la question de la liberté (y a t-il un Destin tout tracé ? Suis-je ce que mes origines font de moi ? L’existentialisme de Sartre y est bien expliqué et mis en évidence)
  • la limite entre le réel et la fiction (notamment une réflexion sur le fandom, les nombreux éléments des films/livres incorporés dans la “vraie” vie comme le chariot de la gare de King Cross)
  • Nietzsche contre Voldemort (ou plus globalement, pourquoi peut-on penser que la philosophie de Nietzsche est proche de celle des mangemorts, alors qu’en fait non)
  • la morale dans la saga (les différents types de morales, remise en question de la morale utilitariste)

Quant à la seconde partie, elle développe donc la philosophie de la série, à savoir : l’acceptation de la finitude. À travers le parallèle entre Harry Potter et Tom Jedusor, fait tout au long de la saga, Rowling nous met en garde contre le refus de la mort. Bien détaillée sur 50 pages, cette partie permet de mieux saisir la portée symbolique et philosophique de certaines scènes et personnages. À travers des figures de la saga, Chaillan commente et met en évidence cette philosophie de Rowling, présente dans chaque tome de la série.

Harry Potter et au-delà

Le livre propose même en guise d’épilogue quelques pages d’analyse sur le roman de J.K. Rowling qui a suivi la saga : Une place à prendre. Ne l’ayant pas lu, je ne pourrais pas donner mon avis sur le fond. Mais pour ce qui est de la forme, il explique assez clairement pourquoi, selon Chaillan, ce livre est une métaphore de son propre échec critique et comme avenir pour Rowling en tant qu’écrivain. Ce livre (d’après Chaillan) représente le « vide » laissé par Harry Potter, et l’impossibilité de le combler. Une intéressante postface, sans doute plus percutante chez quelqu’un qui aurait lu Une place à prendre.

Voilà donc ce qui attend le lecteur de ce petit livre bleu. Vaste programme, qui est plutôt exhaustif, et donne l’impression d’avoir abordé tous les thèmes possibles dans la saga, se référant à chaque tome et même aux films (en mettant en valeur les éventuelles différences qui changent l’interprétation, ou ajoutent des plus).
Si certains lecteurs se posent la question, ce n’est pas un livre ayant pour but de mettre en avant des théories ou d’expliquer d’éventuels éléments scénaristiques obscurs. Tout ce qui est traité dans cet essai relève de l’analyse philosophique des personnages, des thématiques de la saga et du message que Rowling envoie implicitement à ses lecteurs.

Une des grandes qualités de l’ouvrage est la grande pédagogie dont Chaillan fait preuve. Les grandes idées philosophiques sont expliquées clairement. À titre personnel, je n’ai pas eu de formation approfondie en littérature ou en philosophie, néanmoins j’ai trouvé cet essai très accessible. Je pense ainsi pouvoir affirmer qu’il n’est nul besoin d’un quelconque parcours en lettres classiques ou en philosophie pour comprendre et apprécier cet ouvrage. La seule chose qui pourrait peut-être jouer serait la faculté d’assimilation des thèses et idées des divers auteurs de philosophie. Néanmoins comme précisé les explications de Chaillan sont claires et à priori à la porté de n’importe quel lecteur de la saga Harry Potter.

Réussir son bac philo avec Harry Potter ?

Au sortir de la lecture certains grands thèmes philosophiques seront bien expliqués et probablement acquis des lecteurs. Cet essai peut ainsi servir de tremplin à la lecture d’ouvrages plus compliqués, comme d’autres essais ou livres explicatifs sur les philosophes, voire directement des ouvrages d’auteurs. Maintenant que le lecteur connaît un peu mieux leurs thèses, et des résumés de leur pensées, ils peuvent se lancer si certains philosophes l’ont intéressé.

Pour répondre à la question que les jeunes lecteurs de cet article pourraient se poser : est-ce que ce livre pourrait me permettre d’être meilleur en philosophie, d’avoir de meilleures notes ? Bien entendu la réponse est nuancée.

Malgré le côté très abordable de ce livre, la matière « philosophie » telle qu’elle est enseignée dans nos lycées ne demande pas uniquement de pouvoir ressortir des thèses d’auteurs ou des exemples, voire de donner son avis propre, mais aussi une argumentation, ce qui hélas ne s’apprend pas forcément par la lecture.
Néanmoins, il y a fort à parier que la lecture de cet ouvrage donnera des clés pour mieux connaître des thèmes philosophiques (la liberté, le réel/la conscience…) ou des thèses d’auteurs dits classiques (Platon, Nietzsche…), informations qui pourraient être mieux restituées. Et puis, avec un peu de chance et un professeur pas trop rabat-joie, vous pourrez caser des exemples tirés de Harry Potter !
De même nous pouvons penser que cette lecture montre le style rédactionnel à adopter dans une dissertation de philosophie, le cheminement de l’argumentation, etc. Sans doute pas aussi bien que d’autres ouvrages eux aussi très accessibles (tels que Une semaine de philosophie de Charles Pépin), mais il montre quand même la progression à avoir dans une argumentation.

Pour ce qui est des lecteurs qui ont dépassé le stade du lycée et qui s’intéressent à la philosophie, ou qui en avaient une mauvaise expérience mais qui seraient tentés d’essayer, la réponse est unanime : foncez ! Bien plus intéressant que le décryptage de Harry Potter, vous vous sentirez doucement guidés dans les méandres de ce domaine parfois complexe et impressionnant. Maintenant qu’il n’y a pas de contrainte de résultat, vous pouvez tout aussi bien ne lire que les chapitres qui vous intéressent.

En résumé, Harry Potter à l’école de la philosophie est une véritable initiation à cette discipline souvent vue comme austère et élitiste. Loin d’aller dans ce sens, ce livre montre que la philosophie est à la portée de tous, et que même en lisant la saga Harry Potter, nous recevons ses enseignements. Très didactique et plaisant à lire, il m’a personnellement davantage plu que d’autres livres ayant le même but. J’encourage fortement tous ceux et celles qui ont trouvé la philosophie barbante et incompréhensible mais qui ont adoré la saga de Rowling à lire cet essai : car oui, Harry Potter, c’est aussi un ouvrage de philosophie, aussi bien condensé des auteurs classiques que développant son propre message !

Pour commander ce livre :

Pour aller plus loin :

 Le compte-rendu de la conférence « Harry Potter et la philosophie », menée par Marianne Chaillan, qui détaille un peu plus le contenu de son livre

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